Vers la fin du 18ième et au début du 19ième siècle, dans le
Nord-Ouest du Canada, les principales compagnies de traite de fourrure, la
Compagnie de la Baie d’Hudson et la Compagnies du Nord-Ouest
(North-West Company ou Nor’westers) se font une compétition acharnée pour les
pelleteries. La CBH puise son personnel
surtout des Îles britanniques (l’Écosse et les Orcades) qui
arrivent dans le Nord-Ouest par la mer, débarquant à un de leurs
quatre postes de la baie d’Hudson et la baie James. Les
Nor’westers s’équipent de personnel qui vient surtout de la
vallée du Saint-Laurent et de la population métissée qui est
train de se créer dans l’Ouest du pays, francophone et à
tendance catholique Les Canadiens ou « Canayens » remontent les
rivières en canots d’écorce à la recherche du pelu (comme ils
appellent les pelleteries). Il leur faut deux belles saisons
pour faire le voyage aller-retour au bassin de l’Athabasca qui,
depuis la découverte du Portage-la-Loche par Peter Pond en 1778,
foisonne d’activité. Les employés de la CBH sont à l’œuvre
aussi, et avec leurs solides barques de baleinier (connues comme
York boat ou barques de York) que construisent leurs menuisiers
orcadiens, ils font concurrence aux montréalais. Malgré la
compétition, les deux grandes compagnies sont passablement
prospères.
Si la CBH contrôle officiellement la Terre de Rupert,
c’est-à-dire, le bassin de la baie d’Hudson, ce qui comprend la
vallée de la Rivière-Rouge, celle-ci est directement sur la
route qu’empruntent les engagés de la CNO pour accéder aux
fourrures de l’Athabasca. Lorsqu’un nouvel actionnaire de la
CBH, Thomas Douglas, Comte de Selkirk, homme riche et bien
pensant, décide d’y fonder une colonie pour des Écossais
dépossédés de leurs terres et des anciens employés de la CBH à
la retraite, il met le feu aux poudres. En 1810, une grande
concession lui est accordée par la CBH, qu’il nomme Assiniboia,
et l’année suivante, il fonde la colonie de la Rivière-Rouge.
Les Nor’westers qui ont leur poste clé, le fort Gibraltar, à la
fourche de la Rivière-Rouge, craignent que l’établissement d’une
colonie va nuire sérieusement à leur commerce, et ils mettent le
feu à la colonie en 1815, décourageant les colons qui n’ont pas
de débouché commercial pour le produit de leurs fermes. En 1816,
les hommes de la CBH détruisent le poste de la compagnie rivale,
ce qui en danger la sécurité des brigades d’approvisionnement de
CNO. Les Métis de la CNO organisent une embuscade à l’endroit
connu par les Métis comme la Grenouillère, ou Seven Oaks. Vingt
hommes de la CBH sont tués, et un de la CNO. Cet incident de
violence non prémédité entraîne des séquelles néfastes pour les
Nor’westers, qui mèneront à la démise de l’entreprise et à sa
consolidation avec la CBH.
La colonie de la Rivière-Rouge reçoit toujours l’appui de
Selkirk. Il recrute de nouveau colons, entre autres, des soldats
mercenaires démobilisés du régiment suisse De Meurons, qui avait
combattu pour les Anglais à Plattsburg en 1812. Les soldats sont
catholiques, ainsi que les colons écossais, dont certains reviennent
à la colonie, suite à la promesse de Selkirk de leur offrir des
écoles et des prêtres. Espérant que l’influence du clergé
aiderait à calmer les Canadiens et les Métis, Selkirk fait appel
au diocèse de Québec pour que des missionnaires soient envoyés à
la colonie. En 1818, Mgr Plessis délègue trois jeunes prêtres de
son diocèse, incluant Joseph-Norbert Provencher, qui fonde la
mission de Saint-Boniface, en honneur d’un évêque missionnaire
chez les germaniques au Moyen-âge (les anciens soldats du
régiment De Meurons étaient germanophones. Provencher est
consacré évêque et vicaire apostolique du Nord-Ouest en 1822,
devenu le diocèse de la baie d’Hudson et de la baie James
quelques années plus tard, en 1844, et qui comprend l’ensemble
du territoire à l’Ouest des Grands Lacs jusqu’au Pacifique et à
l’Océan Arctique.
Les prêtres réguliers (c’est-à-dire rattachés au diocèse) ne
suffisent pas, et Provencher cherche des communautés religieuses
pour venir œuvrer dans son diocèse, convaincu que le travail en
équipe leur permettrait de mieux franchir les grands obstacles
du Nord-Ouest canadien, l’isolement, les grandes distances et
les conditions primitives des missions. Les Sœurs de la Charité
de Montréal (sœurs grises) acceptent de venir en 1844. À la
demande de Mgr. Bourget de Montréal, la communauté religieuse
des Oblats de Marie Immaculée, fondée à Marseille, avait déjà
envoyée quelques membres au Canada dès 1841, et lorsque
Provencher demande de l’aide pour les missions de son diocèse,
deux missionnaires oblats lui sont envoyés. Un Canadien,
Alexandre Taché et un Français, Pierre Aubert, lui arrivent. Ce
sont les débuts de l’épopée oblate dans le Nord-Ouest du Canada.
Au début, Provencher ne s’occupe que des colons et des Métis
de la région de la Rivière Rouge, mais il vient à s’intéresser à
l’évangélisation des indigènes aussi. Les anciens voyageurs et
métis, de l’extérieur de la colonie, profitent de leur passage
pour faire baptiser leurs enfants ou régulariser leur mariage.
Les nouvelles se propagent au loin, et on commence à demander
des prêtres pour les régions éloignés pour les colons canadiens,
comme en Oregon. Deux prêtres du Québec, Modeste Demers et
François-Norbert Blanchet acceptent de se rendre au-delà à la
côte Ouest en 1838, et en passant, ils s’arrêtent aux forts qui
se trouvent sur leur passage, baptisant et mariant les fidèles
en chemin1. À
l’invitation du « facteur en chef » du fort Edmonton et d’une
autre du chef d’une bande crise, nommé Piché, Provencher envoie
Jean-Baptiste Thibault en mission dans ce qui est aujourd’hui
l’Alberta.
|