Connues surtout comme les Sœurs Grises depuis l’établissement
de leur communauté religieuse par sainte Marguerite d’Youville
en 1737, les Soeurs de la Charité de Montréal répondent à
l’appel de Mgr Provencher et se rendent à la Rivière-Rouge en
1844. Quelques années plus tard, à l’automne de 1859, elles
seront trois à faire le voyage de Montréal pour établir une
mission au lac Sainte-Anne1.
Leur voyage commence en 1858 lorsqu’elles prennent le train
via les Etats-Unis et se rendent à Minneapolis, où elles
descendent et continuent leur voyage en charrette à bœufs
jusqu’à la mission de Saint-Boniface. Des trois religieuses,
Sœur Emery (Zoé Leblanc) a 31 ans, sœur Adèle Lamy et Sœur
Alphonse (Marie Jacques) n’en ont que 23. Après un séjour de
quelques mois à Saint-Boniface, pour se préparer aux difficultés
à venir dans leur mission isolée, elles se dirigent vers le lac
Sainte Anne, accompagnées d’une jeune métisse, dont nous n’avons
que le prénom, Marie-Louise, qui parle le cri et qui est leur
interprète, et on le devine, qui leur enseigne aussi la langue.
Une fois arrivées au lac Sainte-Anne, une localité d’environ
200 personnes, les trois sœurs s’installent dans la maison que
les Oblats ont préparée pour elles. Une trentaine de personnes
viennent les accueillir, les autres sont tous à la Prairie à
faire la chasse aux bisons, le gagne-pain des gens du lac. Les
sœurs ne sont à cet endroit que pour cinq ans lorsqu’elles
déménagent à la mission de Saint-Albert, qui est en train de
devenir un centre plus important. Mais à une place où à l’autre,
elles s’occupent de toutes sortes de tâches, que cela soit
d’enseigner à lire, à écrire ou à prier. Tout en jardinant,
s’occupant de la cuisine ou de la couture, elles enseignent
aussi leur savoir-faire aux gens de la communauté. Elles
trouvent aussi le temps d’étudier la langue crise, qu’elles
doivent utiliser beaucoup avec les gens de la place. Lorsque
elles sont au Lac Sainte-Anne, tout en étudiant le cri, elles
préparent une grammaire de 185 pages qui sera incorporée en
annexe par le p. Albert Lacombe dans son Dictionnaire de la
langue crise, publié par Beauchemin en 1874.
La mission de Saint-Albert deviendra grande et prospère
et
les Sœurs Grises y jouent un rôle très important. D’une école,
un orphelinat et un hôpital très rudimentaire, les religieuses
viendront à tenir une grande école pour les enfants métis et
autochtones de la région. Lors de l’inauguration de la province
en 1905, les sœurs ont 150 élèves dans leur école, qui fait
aussi office de pensionnat dans certains cas. Les Sœurs Grises
enseignent à Saint-Albert jusqu’en 1971 après 115 ans de
résidence permanente dévouée au bien être de la communauté. De
l’annexe hospitalière rattachée à la mission en 1870, et qui est
considéré comme le premier hôpital dans le centre de l’Alberta,
surgira ce qui devint en 1895, l’Hôpital Général d’Edmonton.
En plus que de s’occuper de la mission de Saint-Albert, les
Sœurs Grises administrent la région aussi de leur siège social à
Saint-Albert, car depuis leurs débuts au lac Ste-Anne, leur
nombre s’était accru dans le Nord-Ouest. De trois sœurs envoyées
au lac la Biche en 1862, les nombres ne cesseront de
s’accroître. Des sœurs se rendent aux missions de
l’Athabasca-Mackenzie en 1867, une dizaine d’écoles et
d’hôpitaux seront fondés par elles2. En 1897, le conseil
provincial du vicariat de la province Saint-Albert comprend dix
missions et écoles résidentielles de l’Île-à-la-Crosse à Fort
Providence, Fort Chipewyan et Dunbow dans le Sud de l’Alberta.
L’administratrice de toutes ces missions est la Mère-vicaire
Eugénie Letellier, qui s’occupe aussi de la gestion de l’Hôpital
Général d’Edmonton. Dans les années qui suivent l’hôpital
Saint-Paul de Saskatoon et la mission de Fort Resolution est
ouverte par Mère-vicaire Léa Dandurand entre 1902 à 1907. La
fondatrice du Holy Cross Hospital de Calgary en 1891,
Mère-vicaire Agnes Carroll fonde la mission de Beauval, SK
durant son terme comme directrice du conseil provincial entre
1907 et 1910. D’autres missions sont fondées, dont celle de
Legal en 1920.
Les termes mère-vicaire et celui de vicariat sont délaissés
en faveur de Supérieure provinciale en 1915. La Supérieure provinciale Mère Saint-Grégoire (Marie-Louisa
Béliveau) (1922 à 1926) fonde l’hôpital Sainte-Thérèse à
Saint-Paul en 1926. Les Sœurs Grises de la province de
Saint-Albert acceptent aussi le transfert de plusieurs missions
en Alberta et en Saskatchewan de la communauté des Sœurs Grises
de Nicolet. Une fondation est mise sur pied à Portage-la-Loche
en 1943. Durant les années cinquante plusieurs projets énormes
sont gérés par les Sœurs Grises. En 1962, un nouvel hôpital est
construit à Saint-Paul, un établissement au lac Sainte-Anne, le
Foyer d’Youville en 1966 et le Centre régional des Sœurs Grises
en 1967. On n’oublie pas les régions isolées ou les localités
moins importantes, et l’année suivante, une mission est établie
à Buffalo Narrows, SK, Morinville en 1971, Zenon Park en 1977 et
Tuktoyaktuk. Ce sera Sœur Marguerite Laforce qui accepte que les
Sœurs Grises deviennent les propriétaires du Grey Nuns Hospital
à Mill Woods à Edmonton, ouvert en 1988. Sœur Faye Wylie
approuve l’établissement de la résidence La Salle en 1988, joue
un rôle important dans la fondation du Saint Joseph’s College
Bioethics Centre cette même année, et en 1992, de
l’établissement du Caritas Health Group à Edmonton. Les sœurs
ont aussi tenu une école de nursing pour former leurs
infirmières. Il faut se souvenir qu’avant l’époque de
l’État-providence, les institutions des Sœurs Grises sont
financées par leur propre revenu. Il n’est pas rare qu’un
accouchement se paie en bois de chauffage durant les années
trente et quarante.
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