Le
lac qui a inspiré ceux qui ont nommé la colonie est à la hauteur
de sa réputation. Ses eaux sont froides toute l’année. Le nom
anglais est une traduction littérale du cri. Un légende crie
raconte l’histoire d’un jeune homme qui se rendait chez sa
bien-aimée et qui disparut une nuit dans le lac, il y a de cela
bien des hivers. Un énorme poisson, le kinosoo, brisa son canot
en deux. Il n’est pas étonnant que, de nombreuses années après
cet incident, les Cris n’aient pas osé traverser le lac. Les
truites d’un mètre et demi que les premiers colons attrapaient
descendaient sûrement du Kinosoo. Qui sait, peut-être que le
Kinosoo est toujours à l’affût au fond des eaux glacées.
On dit que le père Jean-Baptiste Thibault visita l’endroit en
1844, l’année où il fonda la mission du Lac Ste Anne. Un
cuisinier français, du nom de J.C. Soucy, construisit la
première maison de rondins en 1907. Soucy ne savait ni lire ni
écrire mais il avait du talent pour obtenir de l’argent du
gouvernement afin d’entretenir convenablement les routes.
A partir de 1909, les colons commencèrent d’arriver de France,
du Québec, du Massachusetts et du Minnesota. Ils vivaient de
chasse et de pêche et créèrent des conserveries de poisson. Ils
faisaient tout ce qu’il fallait pour survivre, ce qui inclut des
opérations chirurgicales rudimentaires. Un hiver, les orteils de
Charles Linette gelèrent. Celui-ci stérilisa une hache bien
tranchante dans le feu, posa son pied sur un billot de bois et
élimina ainsi la menace de gangrène. Il était debout quelques
jours plus tard, prêt à vérifier ses pièges. Il fut trappeur
jusque dans les années vingt. La tempête de grêle de 1935
détruisit les récoltes de son fils, tua la plupart de ses
volailles et endommagea gravement son bétail et ses chevaux. Les
grêlons avaient transpercé des toits de bois dont les poutres
avaient plus de deux centimètres et demi d’épaisseur.
Il y avait assez d’enfants en 1917 pour ouvrir une petite école.
Deux ans plus tard ce fut un magasin général. Au début des
années vingt la population s’élevait à 50 habitants. La décennie
suivante marqua l’inauguration d’une église catholique romaine.
Les colons entretenaient de bonnes relations avec la population
locale. L’un d’eux écrit : "Les Indiens étaient aimables et
serviables et nous étions amis avec bon nombre d’entre eux".
Au début des années cinquante, les caractéristiques du lieu
(isolement, gravier, eau et ciel bleu) convinrent aux Forces
royales aériennes canadiennes pour y installer une base
aérienne. La compagnie 4-Wing Cold Lake est maintenant le plus
grand employeur de cette ville de plus de 12 000 habitants. Le
personnel et les familles de la base constituent 40% de la
population. Le tourisme, l’industrie pétrolière et en
conséquence le commerce son tous florissants. Les appareils de
la base sont maintenant à l’abri du bétail qui, il y a une
centaine d’années, avait passé la nuit à ronger les avions.
|