Marie-Reine est vraisemblablement nommé en souvenir de la
mère du Christ, souvent appelée Reine dans les textes
liturgiques de l’église catholique romaine. Lorsque Jules
Chabot, venant du Québec, parvint à cet endroit, il y avait déjà
une présence francophone bien établie et significative sur les
terres fertiles de la région de Rivière-la-Paix. On y avait même
trouvé du pétrole.
Chabot savait reconnaître une bonne terre quand il la voyait
: "Très beau terrain, dit-il dans ses souvenirs, pas une trace
de gombo "(dans cette région, le gombo désigne un sol limoneux
qui devient très gluant quand il est humide). Il décida de
rester malgré la température : cet hiver-là le mercure descendit
jusqu’à -57 centigrades.
Quand Chabot arriva à Marie-Reine, c’était sans doute déjà le
milieu du XXe siècle, mais la vie d’un pionnier n’était guère
facile pour autant. Chabot raconte comment lui et d’autre
pionniers devaient boire l’eau des fossés, après avoir soufflé
dessus pour écarter l’écume, fermant les yeux pour ne pas voir
les larves de moustiques. Il y avait tellement de moustiques,
dit-il, qu’on avait l’impression de se promener avec un voile
sur le visage. Il valait mieux éviter de causer; comme ça, on
n’avalait moins de cette vermine. Les routes elle-même étaient
des marécages. Les gens devaient laisser leur voiture et aller à
pied revendiquer leurs droits. En dépit de cela, de nombreux
Québécois ainsi que des francophones européens était prêts à
venir s’installer à Marie-Reine. Les Québécois ne connaissaient
pas un mot d’anglais, donc ils désignaient du doigt la première
ligne des menus. Par conséquent, au cours de leur voyage, leur
régime se composait presque entièrement de soupes.
L’église de Marie-Reine fut construite la même année que
Chabot s’installa. En 1951, les soeurs Oblates vinrent à leur
tour, firent construire un couvent et se chargèrent de
l’éducation des enfants de Marie-Reine. Il semble bien qu’il y a
une bonne cinquantaine d’années, du moins à Marie-Reine, les
besoins spirituels l’emportaient sur le confort physique :
l’électricité fut installée en 1962, le gaz en 1966. Les maisons
eurent le téléphone et l’eau courante en 1972. Une année plus
tard, on pouvait s’offrir des toilettes à l’intérieur de la
maison.
L’économie de Marie-Reine s’est maintenue dans la culture des
céréales. Certains ont bien cherché à détecter du pétrole mais
on n’a trouvé aucun gisement significatif autour du hameau.
Jules Chabot garda toujours un profond attachement à la maison
qu’il avait bâtie de ses propres mains dans la forêt.
Il est mort en 1980 à 68 ans, toujours jeune.
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