Le monopole de la Compagnie de la Baie d'Hudson (1821-1850)
La nouvelle compagnie faisait face à plusieurs problèmes dont un des plus grands était de rétablir une entreprise qui serait non seulement viable mais lucrative. La Compagnie de la Baie d'Hudson (CBH) a confié la tâche de réorganiser ses opérations à George Simpson. Ce dernier, qui plus tard se mériterait le surnom du « petit empereur » en raison de sa petite taille et de ses vastes pouvoirs, a alors commencé à réduire les frais d'exploitations de la CBH. Il a fermé des douzaines de postes et a centralisé les activités commerciales à un plus petit nombre d'emplacements stratégiques. Il a aussi réduit le personnel sans aucun remord. Certains anciens employés de la CBH et de la CNO ont abandonné la traite des fourrures tandis que plusieurs autres ont déménagé à la rivière Rouge. D'autres sont restés près de leurs anciens postes de traite pour subvenir aux besoins de leurs familles par la chasse, la trappe et des travaux saisonniers pour la nouvelle compagnie. Plusieurs communautés métisses sont ainsi nées à travers l'Ouest canadien en raison de ces séries de changements dans l'industrie de la traite des fourrures.
Vers les environs de 1830, la traite des fourrures était à nouveau lucrative et la nouvelle CBH n'avait aucun rival dans la majorité de ses territoires. Cela impliquait que la Compagnie de la Baie d'Hudson était la seule entreprise où l'on pouvait échanger des fourrures ou d'autres produits contre des articles commerciaux. Certains historiens ont remarqué que ce monopole exclusif a fait en sorte que les Premières nations ainsi que les chasseurs et trappeurs métis avaient alors peu d'alternatives et ils ont probablement été obligés de payer des prix fort excessifs pour les articles qu'ils désiraient. Cependant, en l'absence de concurrence, certains des aspects plutôt négatifs de la compétition de la traite tels que la violence, l'intimidation et l'utilisation de l'alcool comme marchandise ont été réduits.
Entre 1821 et 1850, un nombre de postes à travers le Nord-Ouest sont devenus des centres de traites, de distribution et d'administration. Des endroits comme York Factory, Upper Fort Garry, Lower Fort Garry, et en Alberta, Fort Chipewyan et Fort Edmonton, ont tous augmenté en taille et en importance. Par exemple, des cartes et des descriptions du fort Edmonton entre 1840 et 1850 démontrent qu'il y avait plusieurs maisons de diverses tailles, une « maison indienne », des entrepôts, une forge, un atelier à bateau, un magasin à glace, un arsenal et des écuries. Les champs et prés avoisinants du poste reflétaient l'importance grandissante des jardins, de la récolte de céréales et du bétail dans l'approvisionnement de l'alimentation des employés du poste. Aux environs de 1850, les archives démontrent qu'environ 120 hommes, femmes et enfants vivaient à Fort Edmonton avec encore beaucoup plus de Métis et de Première nations vivant aux alentours.
Des douzaines de postes s'approvisionnaient littéralement de ces centres régionaux, qui eux produisaient également des articles commerciaux et conservaient les archives de la compagnie en plus de remplir une multitude d'autres fonctions. Les cartes et illustrations de ces postes qui ont survécu à ce jour démontrent qu'ils ressemblaient plus à de petites villes que des établissements commerciaux fortifiés par lesquels ils s'étaient développés. Dans le cas de Fort Edmonton et de Upper Fort Garry, les historiens urbains remarquent que ces postes évoluèrent au point de devenir les villes modernes d'Edmonton et de Winnipeg. D'autres postes, tels que Fort Chipewyan, ont vu leur importance diminuer au fur et à mesure que la traite, les modes de transport et d'autres facteurs ont changé vers la fin du 19e siècle.
Quoique Fort Edmonton et Fort Chipewyan fussent les postes de traite des fourrures les plus grands et les plus importants en Alberta de cette époque, l'histoire des autres postes plus petits vaut aussi la peine d'être étudiée. La plupart des traiteurs de fourrures et leurs familles ont vécu et travaillé dans des postes bien plus petits. En 1850, la Compagnie de la Baie d'Hudson opérait 54 postes dans le Nord-Ouest avec l'aide de 492 employés à temps plein. Le poste moyen avait alors 9 employés à temps plein. Même avec leurs femmes et leurs enfants, la plupart des postes comptaient probablement moins de 25 à 30 personnes. Dunvegan est un bon exemple de ce genre de petit poste. Par exemple, en 1848, 8 hommes y étaient postés incluant un père et son fils. Malgré le petit nombre d'employés, cette même année à Dunvegan, 1337 peaux de castors, 424 lynx, 226 martres, 37 carcajous, 52 pékans, 135 renards de plusieurs variétés, 576 peaux d'ours et un petit nombre de plusieurs autres types de fourrures ont été échangés.
Les profits de la traite des fourrures en provenance de postes tels que Dunvegan ont commencé à attirer d'autre gens à cette activité. En particulier, des ex-employés de la Compagnie de la rivière Rouge - la plupart d'entre eux des Métis - voyaient la traite des fourrures comme une manière d'augmenter leurs revenus provenant de l'agriculture, de la pêche, de la chasse de bisons, et en étant brigadiers à canoë et à bateau pour la Compagnie de la Baie d'Hudson. Au début, la CBH faisait très peu pour décourager cette traite privée, mais en 1849, la CBH a décidé d'agir. Quatre hommes métis de la région de la rivière Rouge ont été accusés de traiter sans avoir la permission de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Pierre Guillaume Sayer a été le premier à comparaître devant un tribunal. Le jury, en se référant à la charte de la Compagnie de la Baie d'Hudson qui avait été accordée en 1670 par le roi Charles II de Grande-Bretagne, l'a déclaré coupable. Cette charte donnait à la CBH le droit exclusif de traiter dans les régions où les rivières et les lacs s'écoulaient dans la baie d'Hudson. Avec raison, les traiteurs de la Nouvelle-France et par la suite de la Compagnie de la Nord-Ouest, n'ont jamais obéi à cette charte.
Quoique le jury le déclara coupable, aucune punition n'a été recommandée et les accusations faites contre les trois autres ont été retirées. Les Métis comme tous les autres, sauf les officiers de la CBH, ont ainsi réalisé que la traite était désormais ouverte à n'importe qui. Le monopole de la CBH était devenu chose du passé. Quoique la compagnie soit demeurée l'entreprise la plus puissante du Nord-Ouest pendant plusieurs années à venir, elle a dû toutefois affronter une concurrence grandissante après 1850.