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Nation Et Religion : L'établissement Des Paroisses «Nationales» D'edmonton

Gilles Cadrin
Faculté Saint-Jean
University of Alberta

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Dans un article intitulé «Gestae Dei Per Francos: the French Canadian Experience in Western Canada», Raymond Huel soutient que les premiers évêques de l'Ouest ont compris l'importance de donner aux divers groupes ethniques des églises qui les regrouperaient et qui seraient desservies par des prêtres parlant leur langue1 . Cette pratique, qui s'appuyait sur le respect des lois naturelles, était perçue comme le meilleur moyen de maintenir la foi des pionniers ruthéniens, allemands et scandinaves. La langue n'était-elle pas considérée, à cette époque, comme la gardienne de la foi?

Pourtant, en ce qui a trait aux Canadiens français, il leur faudra attendre longtemps avant d’avoir leurs paroisses françaises à Edmonton. Les paroissiens francophones de Saint-Joachim ont exprimé ce désir à plusieurs reprises vers les années 1894-1895; ils n'auront leur église à eux seuls qu'en 1925. L'Immaculée-Conception deviendra la première paroisse française d'Edmonton en 1912; la paroisse Saint-Antoine, en dépit de son nombre considérable de francophones, ne deviendra jamais française. Et nous ne parlerons pas de ces nombreuses autres paroisses telles Saint-René, Saint-Edmond, Saint-François-d' Assise et Saint-François-Xavier qui regroupaient au départ un grand nombre de francophones et qui avaient à leur tête des prêtres francophones, mais qui, avec le temps, verront disparaître toute trace de leur caractère francophone.

Devant cette évolution de la situation paroissiale à Edmonton, il convient de se poser certaines questions. Quelle était l'attitude du clergé vis-à-vis de la langue française? Jusqu'à quel point l'Église était-elle consciente des effets des paroisses mixtes sur la francophonie? C'est en étudiant le développement des paroisses sous l'épiscopat de Mgr Vital Grandin et, surtout, sous celui de Mgr Émile Legal que nous tenterons de trouver réponses à ces questions.

Disons d'abord qu'il n'est pas question de mettre en cause la bienveillance des évêques francophones à l'endroit du français dans l'Ouest. Au contraire, pendant les soixante premières années de la présence de l'Église catholique, les prêtres de l'Ouest sont presque tous francophones. Ils exercent leur ministère auprès des Indiens, attachant souvent à leurs services des Métis francophones qui servent d'assistants et d'intermédiaires. Ils apportent le culte aux Blancs francophones et anglophones et, parce qu'ils sont presque exclusivement francophones, ils imposent en quelque sorte le français. Les Oblats accordent même une telle importance au français que certains missionnaires se demandent si leur politique est réaliste étant donné le contexte du pays et si elle est la plus propice à l'expansion de la religion dans l'Ouest canadien.

Franciser l'Ouest et franciser les Indiens auraient fait partie des règlements de Mgr Alexandre Taché. Le père René Rémas, missionnaire au lac Sainte-Anne, dans une lettre à Mgr Taché du 27 décembre 1865, se dit fort gêné par ce règlement qui daterait de plus de dix ans. Il demande même à Mgr Taché de l'annuler ou de le faire suivre par tous2 . En somme, le père Rémas n'est pas d'accord avec la politique de l'évêque et il lui expose son point de vue d'une façon non ambiguë:

Franciser le pays semble être à l'ordre du jour: qu'on le fasse par des écoles régulières autant que cela est possible, ça ne me regarde pas. Je ne suis ni pour ni contre; mais qu'on le veuille faire par prêcher, catéchiser, prier, il m'est permis de dire ma façon de penser. Cette francisation causera la perte éternelle d'un plus grand nombre d'âmes qu'on ne pense, tant pour le présent que pour l'avenir. Nos métis qui comprennent le français pour de simples conversations, n'y entendent rien quand il s'agit de religion; tant de métis qui sont dans les forts se trouvent dans l'impuissance de montrer leurs prières aux sauvages de bonne volonté, et il s'en trouve; à Ste Anne, à St Albert, à St Joachim, des sauvages qui fréquentaient nos églises les ont abandonnées parce qu'on francisait trop, soit dans les prédications et surtout dans les prières; voilà donc une grande perte qui se prolongera dans leurs familles. On dira qu'en se hâtant de franciser le pays, bientôt les missionnaires n'auront plus le besoin d'apprendre le sauvage: voilà précisément le malheur; car si dès à présent on est si paresseux pour étudier les langues sauvages, sous le ridicule prétexte qu'en quelques années on va parler français bien vite, à plus forte raison, les prêtres futurs seront-ils paresseux, et ces tribus sauvages dont ils seront entourés mourrons comme elles auront vécu, c'est à dire dans l'infidélité; et la plupart des métis qui ne peuvent parler français mourrons dans l'ignorance des principales vérités de la foi et sans sacrements. Ce qui se passe à la rivière rouge en est une preuve: qui est-ce qui se donne la peine d'étudier les langues pour être utile à tant de pauvres sauvages qui sont autour?3

Certes, par cette critique, le père Rémas veut rappeler à Mgr Taché que les missionnaires doivent s'efforcer d'atteindre les Indiens en parlant leur langue. Mais cette lettre nous montre à quel point le clergé vit dans le rêve de voir le français s'imposer dans l'Ouest par la francisation des tribus indiennes. Cette lettre nous révèle aussi à quel point de nombreux Oblats sont confiants en l'influence de leur présence et comment ils entrevoient le sort inéluctable des langues indiennes, appelées à être remplacées par l'anglais ou par le français selon que l'influence des missionnaires catholiques prévaudra ou non contre celle des missionnaires protestants.

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