Tous
ces hommes rattachés aux commerçants de Montréal, du coureur de
bois indépendant à l’engagé lié à son employeur par son contrat,
ne s’en faisaient pas en ce qui concernait leurs liaisons avec les
femmes du pays. Leurs employeurs ne disaient rien non plus,
puisqu’il était avantageux de prendre femme chez les indigènes
pour les commerçants ainsi que pour les Amérindiens. Les
contacts familiaux de la femme aidaient énormément dans le troc,
et puisqu’elle préparait la nourriture et les vêtements de son
conjoint, il avait ainsi le temps de poursuivre ses intérêts
commerciaux. On sait aussi que les Amérindiennes servaient
parfois de guide ou de traductrice à leur conjoint. Ces unions
de fait n’étaient pas officielles puisqu’il n’y avait pas
d’autorité civile ou religieuse dans le pays. Elles étaient
connues à l’époque comme des « mariages à la façon du
pays ». Souvent, les enfants nés de l’union des voyageurs et des femmes
du pays entreprenaient le commerce de fourrures comme leur père,
et le français était une langue de communication importante.
L’évolution des Métis de souche britannique, les half-breeds,
affiliés avec la Compagnie de la Baie d’Hudson, se distingue de
celle des Métis francophones, mais avec le temps, les deux
groupes s’intègrent l’un à l’autre. Puisque ce site est axé sur la
culture française en Alberta, le sujet des Métis anglophones
sera étudié dans un site web qui est consacré à l’évolution des Métis de
l’Alberta.
Différents termes ont été utilisés pour dénommer les descendants
francophones des voyageurs. Autour des Grands Lacs, ils se
dénomment comme « chicot » (qui n’est plus d’usage) et « bois brûlé
», qui sert toujours et est généralement attribué à leur
peau basanée. Il est moins certain qu’ils soient appelés métis à
cette époque. La terminologie évolue. Par exemple, lorsque les
brigades commencent à hiverner à l’Ouest des Grands Lacs, les « hivernants
», qui se nourrissent de la viande de bison et l'apprécient, affublent les voyageurs saisonniers du terme péjoratif,
« mangeurs de lard », à cause du porc salé, qu’ils transportent avec eux
de Montréal.
Avec l’expansion continue du commerce de la traite des fourrures
à l’Ouest des Grands Lacs, sur les prairies canadiennes et le
nord-ouest du Bouclier Canadien, la population métisse augmente
et ils viennent à adoptent le terme "métis" pour se dénommer. Le
mot existe dans les langues romanes en Europe depuis des
siècles, et depuis le contact avec le Nouveau Monde, il désigne
généralement ceux nés d’un croisement d’amérindien et de blanc.
Mais durant le 19ième siècle, dans l’Ouest du pays, le terme
prend le sens nationaliste pour désigner la population métissée
de cette région, incluant les descendants des commerçants de
fourrures britanniques. Tous vivent et travaillent sur l’étendue
du territoire et, avant la création de la frontière canadienne
au 49ième parallèle de latitude, dans ce qui est maintenant les
États-Unis.
Suite à la découverte d’un passage au bassin de l’Athabasca en
1778 par le commerçant américain Peter Pond, via le
Portage-la-Loche, il y conduit une expédition de 300 hommes à
l’emploi d’un groupe d’associés de Montréal, la Compagnie du
Nord-Ouest, connue aussi comme les Nor’westers. D’autres
compagnies de traite de fourrures seront créées, entre autres,
la Compagnie XY, rivale de la CNO, qui éventuellement sera
absorbée par la première. Une très forte compétition s’ensuivra,
car la CBH tâchera de tenir tête à ses multiples rivaux venant
de toute part, incluant les États-Unis. Les compagnies
établissent des postes de traite en saute-mouton, remontant
ainsi les rivières, et quoique les relations entre les
compagnies soient souvent amiables, de sérieuses confrontations
armées ont aussi lieu. Une paix sera établie avec la
consolidation de la CNO avec la CBH en 1821.
Les Canadiens de la région du Saint-Laurent, réputés comme étant
les plus aptes pour les rigueurs du travail sont recherchés pour
ces chasses à la fourrure, tout comme pour les expéditions
d’exploration, comme celles d’Alexander Mackenzie, Simon Fraser
et de Lewis et Clarke. De ces centaines de voyageurs sont issu
les Métis de l’Ouest du Canada, et ainsi ceux de l’Alberta.
Comme les voyageurs de l’époque de la Nouvelle France, il
arrivait souvent que les engagés se plaisaient dans le
Nord-Ouest et décidaient de ne pas renouveler leur engagement.
Ils se dénomment alors les gens libres.
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