La grande période d’immigration vers les Prairies commence vers le milieu du
19e siècle, sous l’impulsion de promoteurs de l’Ontario, mais elle prend son
envol entre 1880 à 1890, suite à l'achèvement du chemin de fer transcanadien,
et se poursuit jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. C’est alors que le
gouvernement canadien monte une grande campagne de promotion un peu partout au
monde, mais on ne cache pas que l’on désire surtout des immigrants qui se
fondront dans le monde anglophone et britannique. Le Ministre de l’Intérieur,
Clifford Sifton, du gouvernement Libéral de Wilfrid Laurier, dans une manœuvre
qui soulève passablement de controverse à l’époque, tout en recherchant des gens
des pays du Nord de l’Europe, recrute aussi chez les Slaves, des gens qu’il dit
être habitués aux grands froids et aux travaux de longue haleine. La campagne ne
vise pas les Latins, que l’on croit être indolents et pires.
Dans l’Ouest canadien, les religieux trouvent qu’il serait bien d’encourager les
Canadiens Français du Québec ou ceux qui se rendent par milliers travailler dans
les usines américaines de la Nouvelle Angleterre à venir prendre des concessions
dans les Prairies canadiennes1. C’est la pensée du clergé canadien-français au
Québec et en Ontario
aussi ; d’ailleurs certains, comme le curé Labelle, rêvent
d’un « chapelet de paroisses canadiennes-françaises » de Québec aux Rocheuses.
Il existe à l’époque une notion bien ancrée chez le clergé canadien que la vie rurale
est plus saine que la vie urbaine. Les hommes d’affaires francophones de l’Ouest
s’intéressent aussi à la venue de francophones, et un grand nombre de jeunes
professionnels, médecins, avocats et artisans, s’y rendent aussi, cherchant un
avenir plus prometteur, voir y faire fortune.
Ainsi en Alberta, tout comme ailleurs dans les Prairies, le clergé s’implique
dans la promotion de la colonisation ; les évêques de l’Ouest, Mgr Taché et Mgr
Grandin et leurs successeurs respectifs, Mgr Louis Langevin et Mgr Émile Legal
tâchent de consolider la population métisse francophone en attirant des
Canadiens français catholiques. Le problème est que le clergé du Québec essaie
aussi de conserver sa population qui émigre à flot vers les É.-U., en
encourageant la mode de vie rurale, particulièrement dans les pays d’en haut du
lac Saint-Jean, et ainsi évitant de perdre ses fidèles qui se rendent en masse
aux usines au sud de la frontière. Alors les agents recruteurs pour les terres
de l’Ouest, dont une bonne proportion sont des religieux, se replient vers la
Nouvelle-Angleterre, le Nord des États-Unis et l’Europe.
Les Métis, le Père Lacombe, et les premiers Pères Oblats.
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Albert Lacombe, posté dans le diocèse de Saint-Boniface par Mgr Taché, s’occupe
de la colonisation au Manitoba dès 1874, se rendant aux États-Unis et dans l’Est
du Canada, l’année suivante, toujours dans le même but. Il revient au diocèse de
Saint-Albert en 1882, mais portera toujours un intérêt poussé envers la
colonisation, et joue un rôle clé, avec le père Adéodat Thérien, dans
l’établissement de Saint-Paul-des-Métis, qui deviendra le site d’une
colonisation canadienne-française en 1909 après l’échec de la colonie métis.
D’autres religieux le succèdent dans sa tâche ; au Manitoba et la Saskatchewan,
nous connaissons dom Paul Benoît des chanoines réguliers de
l’Immaculée-Conception, l’abbé Jean Gaire, Louis-Pierre Gravel, qui fondent une
quantité de communautés francophones comme Notre-Dame-de-Lourdes, Saint-Claude,
Saint-Malo, Ponteix, Saint-Brieux, Gravelbourg, entre autres, pour lesquelles
ils attirent des colons de France, de l’Alsace-Lorraine (qui est alors
allemande), de la Belgique aussi. L’abbé Gaire recrute surtout en Bretagne.
En Alberta, au nombre des missionnaires-colonisateurs nous retrouvons
Jean-Baptiste Morin des Clercs de Saint-Viateur, fondateur de Morinville et de
Beaumont, François Bonny, Père Blanc, posté à Saint-Vincent en 1907, et
fondateur de la mission à Moose Lake, et pour qui on a nommé Bonnyville2.
Albéric Ouellette, agent colonisateur pour l’Ouest avant de devenir curé à
l’Immaculée Conception à Edmonton, fonde une paroisse au lac la Biche, tout en
s’occupant de l’établissement de celle de Saint-Vincent. Quelques années plus
tard, il fait la promotion de la colonisation le sud de l’Alberta, dans la
région du « triangle de Palliser », une zone extrêmement aride, et fonde
plusieurs paroisses, dont Ouelletteville et Morin. Durant les années de
sècheresse de 1930, les colons, dont un grand nombre sont Canadiens Français,
sont évacués en train avec leurs familles, leurs machineries et leur cheptel
vers des localités francophones du Nord-Est et de la Rivière-la-Paix, tant les
conditions sont impossibles. Ouellette sera aussi curé à Falher au début des
années vingt. D’autres membres du clergé, comme les pères de Sainte-Marie de
Tinchebray, en Normandie, une douzaine de prêtres émigrés de France suite à la
laïcisation des écoles, s’installent dans la région de Red Deer et Stettler.
Pour conclure, la plupart des missionnaires oblats ont aussi fait la promotion
de la colonisation, et ils s’occupent de ces premières paroisses qui sont
essentiellement des missions au début.
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